Collaborateur occasionnel du juge, l'expert de justice encourt des responsabilités diverses du fait de ses activités juridictionnelles. Sa responsabilité civile repose sur les principes généraux du code civil. Autre facteur d'insécurité pour l'expert, le point de départ imprécis de la prescription des actions engagées à son encontre. Revue de ces différents éléments en matière civile et commerciale.
Sont considérés comme fautifs des manquements aux obligations procédurales (respect du contradictoire, diligence, etc.) mais également des fautes dans l'accomplissement intellectuel de la mission.
Non-respect du principe de contradiction
L'expert doit respecter le principe de contradiction, et ce, à tous les stades de ses opérations.
À noter : cette faute professionnelle peut également entrainer la radiation de la liste des experts (rep. ministérielle - JOAN 22 juin 1977 p. 4088).
Retard dans l'exécution de sa mission
L'expert s'engage, lors de l'acceptation de sa mission, à remettre son rapport dans un délai fixé par le juge.
S'il ne respecte pas ce délai, sans pouvoir justifier de l'obtention d'un délai supplémentaire octroyé par le juge, résultant par exemple d'une circonstance de force majeure ou de la carence d'une des parties, la partie lésée pourra lui demander réparation du préjudice subi.
L'expert prendra ainsi soin de conserver les éléments prouvant qu'il a accompli ses diligences et que le retard subi pour la mission ne lui est pas imputable tels que les courriers de relance des parties pour l'obtention des pièces, information donnée au juge des difficultés rencontrées avec les parties ainsi que les demandes de délai supplémentaire.
Notons que le dépassement du délai n'entraîne pas la nullité de l'expertise, mais risque d'entraîner des sanctions pour l'expert en cas de négligence avérée.
Non-respect du secret professionnel
L'expert est tenu au secret professionnel par l'article 244 du code de procédure civile. S'il doit faire connaître dans son avis toutes les informations qui apportent un éclaircissement sur l'affaire à examiner, il lui est en revanche interdit de révéler les autres informations dont il aurait pu avoir connaissance à l'occasion de l'exécution de sa mission.
Ce même code impose à l'expert de ne pas divulguer son avis en dehors de l'instance, si ce n'est sur autorisation du juge ou avec le consentement de la partie intéressée.
Non-accomplissement personnel de sa mission
Le technicien doit remplir personnellement la mission qui lui est confiée et sa responsabilité peut être retenue si tel n'est pas le cas. Dès lors qu'un expert ne remplit pas personnellement la mission qui lui est confiée, les actes accomplis en méconnaissance de cette obligation ne peuvent valoir opérations d'expertise.
Faute « technique » ou matérielle
L'expert est responsable non seulement des fautes lourdes, mais également des erreurs et négligences commises dans l'exécution de sa mission (erreur grossière d'évaluation d'un bien, examen insuffisant d'une comptabilité
Notons toutefois qu'une simple erreur ne saurait engager la responsabilité de l'expert ; ce n'est que dans l'hypothèse où il aurait fait preuve de négligence (ce qu'un expert avisé n'aurait pas commis) que sa responsabilité pourrait être mise en cause.
Ainsi, a été retenue la responsabilité d'un expert qui avait affirmé l'authenticité d'une œuvre d'art sans assortir son avis de réserves.
L'indemnisation
Si le juge a rendu sa décision ayant lésé le demandeur sur la base d'erreurs contenues dans le rapport de l'expert judiciaire, dès lors que la preuve de la faute de l'expert est rapportée et que le lien de causalité entre la faute et le préjudice est établi, le préjudice est indemnisable. Des dommages et intérêts seront le cas échéant alloués au demandeur.
Parfois, le préjudice consiste en une perte de chance.
La Cour de cassation a considéré que le lien de causalité est établi si la faute de l'expert judiciaire est à l'origine de la « persistance des dommages ».
Le remplacement
Si l'expert n'a pas déposé son rapport dans le délai imparti sans pouvoir arguer d'un empêchement légitime, l'article 235, alinéa 2 du Code de procédure civile prévoit que les parties peuvent demander son remplacement. Le juge peut également, d'office, remplacer le professionnel qui manquerait à ses devoirs. L'expert pourra de surcroît être condamné à verser des dommages et intérêts à la (les) partie(s). :
L'annulation du rapport
Lorsque l'expertise est annulée suite à une irrégularité de fond ou de forme, la responsabilité civile de l'expert peut être engagée (non-accomplissement personnel de la mission, irrégularité affectant le déroulement des opérations d'expertise...)
Le rapport ayant fait l'objet d'une annulation, une partie peut notamment tenter d'obtenir de l'expert l'indemnisation des frais engendrés par l'expertise et de se prévaloir d'une perte de chance en raison de l'allongement de la durée du procès du fait de l'expertise annulée.
Exemples
Tout le débat portera sur le lien de causalité entre l'annulation du rapport et le préjudice allégué.
La prescription de l'action en responsabilité civile contre un expert est de 5 ans à compter du jour où le titulaire du droit a été en mesure de l'exercer ; il s'agit de la date à laquelle le titulaire du droit a eu (ou aurait dû avoir) connaissance des faits lui permettant d'exercer son droit.
À noter : avant la loi du 77 juin 2008 réformant le droit de la prescription, l'action en responsabilité contre les experts se prescrivait au bout de 30 ans à compter de la fin de leur mission.
Au premier abord, on peut considérer qu'en matière civile, la remise du rapport marque le point de départ de l'action en responsabilité.
En réalité, le point de départ de la prescription des experts est souvent imprécis en particulier lorsqu'il est difficile d'établir quand la victime a eu connaissance du dommage ; certaines affaires, pour lesquelles la réalisation du dommage a été bien postérieure au dépôt du rapport, ont donné lieu à des appels et/ou pourvois en cassation.
La prescription ne court pas ou elle est suspendue pour celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure. Il en résulte une incertitude, facteur d'insécurité pour l'expert.
L'expert qui a rempli sa mission à la satisfaction du juge, peut, de nombreuses années après le dépôt de son rapport, se trouver assigné (cette action en responsabilité est généralement engagée par des plaideurs à l'issue d'un procès perdu).
Malgré le faible nombre de mises en cause et surtout de condamnations, compte tenu des risques encourus, il est vivement conseillé à l'expert de souscrire une assurance responsabilité civile professionnelle. Signalons que l'expert-comptable, également expert de justice, a la possibilité d'être garanti dans le cadre de son assurance professionnelle.
Certaines options permettent de couvrir la responsabilité civile du sapiteur ou les risques physiques encourus par l'expert à l'occasion de sa mission.
Notons toutefois que cette assurance couvre les frais de défense et les dommages et intérêts en cas de condamnation, mais non les honoraires que l'expert aurait été obligé de restituer.
À noter : un contrat groupe a été souscrit auprès de SOPHIASSUR par le Conseil national des compagnies d'experts de justice (CNCEJ) ; ce contrat couvre les membres des compagnies d'experts adhérentes pour les risques liés à leurs activités juridictionnelles. ... ).
[i] Texte issu de la Revue française de comptabilité n°531 de mai 2019 (P Simons et Martine Monzon) réactualisé en 2023 par Bruno Duponchelle
L’adhésion à la Compagnie des Experts entraîne l’adhésion au contrat groupe d’assurance souscrit par le Conseil National des Compagnie d’Experts de Justice (CNCEJ) et offrant des conditions avantageuses en termes de coût par rapport à la garantie octroyée.
Ce contrat comprend une « option 1 » incluse automatiquement dans la cotisation qui couvre les missions « d’expertises juridictionnelles », c’est à dire les missions où vous êtes désignés par une autorité judiciaire (tribunal, cour d’appel…) ou un autre expert en tant que sapiteur. Le montant de la garantie est de 3.500.000 € par sinistre avec une franchise de 150 €.
Afin de répondre à l’évolution des enjeux financiers et de faire face à l’augmentation du montant des réclamations contre les experts, SophiAssur propose des garanties complémentaires optionnelles qui permettent
Afin de protéger tant son patrimoine professionnel que personnel, il est conseillé à l’expert de bien vérifier l’adéquation du montant de la garantie avec les risques encourus.
La souscription de ces garanties complémentaires doit faire l’objet d’une demande individuelle auprès de SophiAssur au moyen d’un bulletin d’adhésion adressé à :
Alexandra Aïm, tel 01 56 88 27 94 - alexandra.aim@sophiassur.com
La souscription de ce contrat est réservée aux adhérents de la Compagnie.